Une légende munichoise : le marchand d'art Georg Urban (1928-2021)
En hommage à un grand marchand d'art munichois, le blog art et culture republie cette interview : Georg Urban - 66 ans de commerce d'art au cœur de Munich - Une passion pour la collection et un amour de l'art
En 2014, j'ai réalisé l'interview suivante avec le marchand d'art et philanthrope Georg Urban. C'était une personne vraiment attachante, chaleureuse et serviable… dont on garde un souvenir ému ;-) ;-)… Voici le texte original de 2014 :
Cette année-là (2014), le marchand d'art Georg Urban a célébré ses 66 ans de carrière. Pendant près de 67 ans, ce spécialiste de la sculpture gothique et baroque (XIIIe-XVIIIe siècles) a été une référence pour les collectionneurs, les musées et ses confrères. Ses sculptures ont acquis une notoriété plus large auprès des collectionneurs grâce aux nombreuses foires d'art auxquelles la maison a participé régulièrement au fil des décennies. L'inscription « Georg Urban, Munich » figure dans de nombreuses collections importantes à travers le monde.
Par Dr. Helga Waess
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| Georg Urban a participé avec son entreprise à la grande foire d'art Munich Highlights - ici devant sa boutique sur la Prannerstrasse à Munich, photo : Helga Waess (Pressefotoarchiv) |
Aussi fiable qu'une montre suisse, Georg Urban, à 86 ans, est toujours présent dans sa boutique tous les jours de 10 h à 18 h. La boutique ressemble à un écrin baroque. Il rend visite personnellement aux collectionneurs et aux monastères, offre des consultations même le week-end et, jusqu'en octobre 2008, il a également participé à des foires d'art internationales et à la foire « Munich Highlights ».
Nous l'avons rencontré dans sa boutique, située à l'arrière de l'hôtel Bayerischer Hof à Munich.
Monsieur Urban, comment êtes-vous venu à l'art ?
Dans ma ville natale, j'allais souvent avec ma grand-mère jusqu'au Gartlberg quand j'étais enfant. C'est une église de pèlerinage qui surplombe Pfarrkirchen. C'est là que j'ai grandi. J'admirais les magnifiques autels de cette église. Et depuis lors, j'ai été fasciné par la sculpture sacrée.
Qu'est-ce qui vous fascine dans l'art chrétien, ou plutôt, dans les objets que vous proposez ?
C'est toujours le talent des artistes.
Pourriez-vous nous donner quelques exemples ?
J'ai fait une acquisition remarquable : trois anges d'Ignaz Günther, deux filles et un garçon, dont les expressions et la présence physique laissaient immédiatement penser que l'artiste avait peut-être représenté ses propres enfants.
J'aimerais aussi mentionner un retable que j'ai trouvé dans la cave d'une maison de ventes aux enchères il y a une trentaine d'années. J'ai tout de suite reconnu sa provenance : l'église Saint-Paul près d'Eppan (Tyrol du Sud), du domaine de Kronshof. Je l'ai acheté sur-le-champ et l'ai proposé au curé de Saint-Paul.
Trente-deux arboriculteurs du Tyrol du Sud ont fait le déplacement pour l'admirer. Je les ai accueillis chez moi pour un déjeuner traditionnel bavarois, avec des saucisses blanches. Ils étaient assez déçus de ne pas pouvoir réunir la somme nécessaire au départ. Heureusement, un historien de l'art était également présent. Le retable provenait du musée municipal de Bolzano, qui l'a ensuite acquis et où il est exposé aujourd'hui.
Quelle belle histoire ! Ses yeux pétillent !
Oui ! L'art nous garde jeunes. (Georg Urban sourit)
Je pourrais vous raconter des milliers d'histoires comme celle-ci. Je suis toujours ravi que chaque achat et chaque vente suscite une histoire si fascinante et une telle joie, pour moi comme pour le client. Car j'ai le privilège d'entrer dans chaque maison où j'ai acheté ou vendu quelque chose. J'ai sauvé de nombreuses œuvres d'art de la dégradation, qui peuvent désormais être admirées à nouveau dans des églises et des musées.
Qu'est-ce qui vous lie à vos clients ?
Pour mes clients, je ne suis pas qu'un simple marchand ; au fil des ans, de nombreuses amitiés se sont tissées autour d'une passion commune essentielle : le collectionnisme et l'amour de l'art.
Parmi les sculptures exposées ici, laquelle vous touche le plus ?
Saint Donat est une magnifique sculpture. Haute de 2,30 mètres, cette œuvre baroque est entièrement sculptée dans le bois et peinte. À l’époque baroque, on trouvait ce type de sculptures, appelées « gardiens de châsse », sur les côtés des maîtres-autels.
(Tandis que Georg Urban parle, ses yeux s’illuminent et l’on perçoit une passion presque juvénile.)
L’artiste, Witwer, fut l’élève du grand Egidius Braun à Prague, puis travailla à Vienne, où il devint lui-même un maître. Nombre de gardiens de châsse de cette taille, que l’on trouve dans les églises et les musées, sont de sa main. Dans le catalogue « Le Baroque en Haute-Bavière », le professeur Koeberl présente l’artiste Witwer et illustre d’autres sculptures de grande taille.
Saint Donat est un saint patron de la météo, qui capture la foudre et apparaît sous les traits d'un chevalier en armure d'argent, l'épée à la main.
Notre Donat porte une ceinture blanche et bleue et un panache blanc et bleu sur la tête. Ce dernier détail suggère son origine bavaroise, d'où les couleurs de cet État. De nombreuses églises et monastères de Bavière furent dissous, pillés ou détruits durant l'époque napoléonienne, rendant difficile l'attribution de cette figure à une église ou un autel précis.
Lors de la sécularisation, les inventaires des églises, comprenant peintures, sculptures et autres œuvres d'art, furent détruits. Certaines pièces furent cachées par des particuliers ou des membres du clergé et ainsi sauvées.
Dans un musée, une œuvre de sculpture sur bois aussi remarquable attirerait sans aucun doute l'attention.
Oui, cela me semble important ; de telles sculptures rares devraient être accessibles au public.
Monsieur Urban, merci beaucoup pour cet entretien !
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| Carte de visite : Georg Urban, 2014, photo sur la carte : Helga Waess (Pressefotoarchiv) |

